Elena, 15 ans : « Quand je serai présidente de la république »

2 octobre 2012

Elena, 15 ans : « Quand je serai présidente de la république »

« Les écoliers laborieux… ». Cette chansonnette résonne dans ma tête depuis ce matin. Et pour cause, ce lundi 01 octobre 2012, comme beaucoup d’enfants et de jeunes de mon âge et de mon pays, j’ai repris le chemin de l’école. Je ne m’attendais pas à une agréable surprise en y allant après près de trois mois de vacances. Déjà qu’au cours de l’année scolaire précédente, l’état de l’établissement laissait à désirer. Je ne comptais pas non plus outre mesure sur la volonté des enseignants et des membres de l’administration, puisque ce n’est pas cela qui nous a manqué l’année passée. S’il eut fallu se plaindre de quelque chose, ce serait plutôt du manque criard de subventions dont bénéficie mon école. Bref, je ne me faisais pas d’illusion en me rendant au cours ce matin. Et bien sûr, les fruits ont mis un point d’honneur à surpasser la promesse des fleurs. Le spectacle qui se présenta à nos yeux en cette matinée de rentrée scolaire est assez dur à décrire. Au moins l’année d’avant, nous avions cinq salles de classe. Cette année, il n’y en a plus que deux qui tiennent debout. Deux autres se sont écroulées vers la fin des vacances, secouées jusque dans leur fondation par les pluies diluviennes de ces dernières semaines. Quant à la cinquième classe, je n’ai trouvé personne d’assez courageux, enseignants et élèves confondus, pour accepter y entrer. Ses murs, construits en terre battue, menaces de rendre l’âme à grand bruit.

« … vont avec joie à leur ouvrage... » Vous admettrez donc volontiers que cette partie de la chansonnette, n’est pas celle qui me semble la plus appropriée pour décrire mon état d’âme quand je pense à mon école. Mettez vous un peu à ma place. Si aller à votre bureau représentait une menace permanente pour vous, iriez vous « avec joie à votre ouvrage » ? Non. Cette partie de la chanson, s’adresse plutôt aux enfants que je croise en fin d’après – midi lorsque je vais rejoindre ma mère qui vend des ignames et des bananes frites non loin de l’école la plus réputée de la ville. Oui, les enfants qui en sortent, tous beaux, bien propres, hilares à souhait, la joie au cœur sont heureux. Et on le serait à moins : grande et belle école, salles de classes construites en dur, immense cour pour jouer pendant la récréation, assurance de suivre un programme scolaire de qualité encadrés par des enseignants qui, délivrés des soucis liés aux infrastructures défectueuses, s’occupent méthodiquement de leur travail etc. etc.

En les voyant ainsi, ces élèves, heureux et pleins de rêves, je me fais la promesse suivante. Quand je serai présidente de la république, en l’an 2032, je ferai en sorte que les écoles soient subventionnées et que ces subventions soient réellement versées en temps opportun pour servir la cause des apprenants. Je ferai en sorte que de vraies salles de classes, durables, soient construites pour les élèves. J’irai même jusqu’à lever des fonds auprès de la population pour relever ce défi. Je la convaincrai, en sorte que tout adulte de mon pays investira pour l’édification d’un système éducatif à la hauteur de l’espoir que représente la jeunesse. Quand je serai présidente de la république je ferai en sorte que chaque enfant puisse être heureux, réellement heureux de se rendre à l’école. Je résoudrai l’équation à plusieurs inconnues qui veut que la somme d’infrastructures adéquates, d’enseignants qualifiés, de matériels adéquats, et de programmes scolaires bien ficelés donne un système éducatif de qualité, positivement vécu par les apprenants. Quand je serai présidente de la république, je ferai en sorte que chaque enfant, riche ou pauvre, puisse avoir accès à une éducation de qualité. Quand je serai présidente de la république en 2032, je ferai de l’éducation  une priorité.

Mais en attendant, je n’ai que 15 ans. Et je me contente de psalmodier, encore et encore (alors qu’en ce début de soirée, j’aide ma mère à vendre les dernières bananes frites qui traînent encore dans son panier), cette chansonnette qui ne me lâche décidément pas depuis ce matin : « Les écoliers laborieux, vont avec joie à leur ouvrage, mais les élèves sans courage, partent les larmes dans les yeux… »

 Que Dieu t’entende Elena, que Dieu t’entende ma belle enfant, et tes aînés aussi …

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Commentaires

Tilou
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Très émououvant et si réel...On connait ça aussi en Ayiti

Bellya Sékpon
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Merci pour le commentaire. Oui, malheureusement, c'est une réalité dans bien des pays du Sud.

Toun
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Très beau témoignage, Elena. Je te le souhaite en effet, que ce rêve se réalise. Accroche-toi surtout!

Bellya Sékpon
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:-) Merci pour elle. Elena est un personnage imaginaire. Le texte, lui, a été inspiré de faits réels.

luski
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Elena, on est tous avec toi, en 2032 nous serons toujours avec toi, Luski Al-pénisse Chaka vit aussi jour pour jour les même rêves que toi.